Cette problématique (dépendance psychologique à la course), souvent évoquée avec légèreté et dérision par les pratiquants eux-mêmes, semble trouver une inquiétante validité aux yeux des scientifiques. Surtout étudiée en course à pied, le risque de dépendance à l’effort semble applicable à l’ensemble des sports d’endurance.
Où en est votre dépendance psychologique à la course ?
Un travail récent (Pierce, 2003) a évalué la dépendance psychologique à la course chez 137 coureurs à pied masculins : 117 compétiteurs et 33 non-compétiteurs. Les distances de courses étaient respectivement de 5 km (n=24 joggers), 42,125 km (n=32 marathoniens) et 80 km (n=61 ultra-marathoniens) Dans cette étude, l’utilisation d’une échelle de dépendance a montré des scores plus élevés chez des sujets s’alignant sur des épreuves ou entraînements de longue distance. Ce travail confirme une corrélation déjà démontrée entre le kilométrage ou le temps passé à courir et la dépendance à l’exercice. Celle-ci est maintenant reconnue comme une véritable addiction.
Tel qu’il est utilisé depuis une dizaine d’années, le terme d’« addiction » élargit le spectre des conduites addictives au-delà des drogues et de l’alcool. Si l’activité physique peut être vue comme une addiction positive en ce sens qu’elle apporte à la fois des bénéfices psychologiques et physiologiques, sa pratique excessive et régulière peut comporter des éléments s’apparentant à une « toxicomanie sans drogue ».
Dépendance psychologique à la course
Le premier élément est la notion de tolérance, induisant le besoin d’augmenter les doses pour obtenir les mêmes effets. Il s’agit d’un phénomène d’habituation par lequel le coureur doit inexorablement augmenter les doses (intensité ou durée) pour obtenir les mêmes effets, la même euphorie. Par ailleurs, des signes évoquant un syndrome de sevrage (anxiété, irritation, agitation, nervosité, insomnie) peuvent survenir en cas de privation de course régulière En effet, les coureurs dépendants ou coureurs obligatoires décrivent un état d’euphorie après l’exercice et un état d’anxiété ou un sentiment de culpabilité en l’absence de ces activités physiques régulières. Ainsi, 86% d’un échantillon de coureurs dépendants se sentaient coupables s’ils rataient un entraînement et 72% se sentaient tendus, irritables ou déprimés.
Sentiments de tension
Dans le travail du Dr Pierce, 74% des ultra marathoniens et 68% des marathoniens de leur échantillon rapportaient des sentiments de tension ou de culpabilité après privation de l’entraînement. Cependant, ce sentiment ne se retrouvait que chez 43% des coureurs de 5 km et dans la même proportion chez les non-compétiteurs, donc chez ceux qui couraient le moins.
Pas toutes et tous « droguées » !
Pour toutes ces raisons, il a été suggéré que les coureurs dépendant de l’exercice présentaient des symptômes et des comportements en rapport avec une addiction acquise. Il serait abusif de considérer que tout sujet pratiquant un sport d’endurance régulier soit un « drogué ».
Il convient de distinguer le coureur dépendant contraint de courir coûte que coûte pour diminuer l’anxiété, et le coureur non dépendant chez qui l’intention de courir conduit à des sentiments de satisfaction, de joie et d’accomplissement. Entre ces deux groupes de coureurs, il existe une différence dans la pratique de l’activité d’endurance, en ce sens que le coureur dépendant courra plus souvent que le non dépendant qui courra plus longtemps.
Le dénominateur commun est biologique
On sait aujourd’hui que pour l’ensemble des toxicomanies avec ou sans drogue, le dénominateur commun est biologique et se situe au niveau du cerveau. Les drogues susceptibles d’induire une toxicomanie (cocaïne, morphine, alcool, nicotine..) ont toutes pour cibles privilégiées les neurones dopaminergiques d’une zone bien précise du cerveau. De fortes concentrations de dopamine dans cette zone du cerveau sont associées à des effets agréables et stimulants. A l’inverse, le retrait d’une substance toxicomanogène s’accompagne d’une diminution de la libération de dopamine. Cette baisse est tout à fait parallèle à l’apparition et à l’augmentation concomitante de symptômes comportementaux de sevrage (anxiété, insomnie, douleur).
La dopamine un « baromètre » de l’humeur
L’exercice régulier induit une dépendance via la libération de dopamine dans le cerveau selon le processus suivant : l’exercice conduit à la production d’hormones du stress (cortisol) et libération d’endorphines (peptides cérébraux aux mêmes effets que les opiacés comme la morphine) Celles-ci activent les neurones à dopamine, impliqués dans la sensation de plaisir.
La course à pied autorise donc une forme d’auto-addiction de l’organisme à la sécrétion d’opiacés endogène et donc de dopamine. L’expérience en laboratoire de la « roue d’activité *» chez le rat a permis de dégager que l’exercice volontaire diminue l’agressivité, mais qu’un arrêt brutal de l’exercice donne une réaction identique à celle observée en cas de sevrage à la morphine.
La roue d’activité
* Deux groupes de rats enfermés dans une cage pendant 6 semaines : un groupe de coureurs ayant accès libre à une roue d’activité (5-6 km spontanément parcourus), un groupe de sédentaires n’ayant pas accès. Le groupe coureur se révèle significativement moins agressif que le groupe sans sport.
En revanche, lorsqu’on leur bloque l’accès à la roue, leur anxiété et leur agressivité deviennent supérieures au groupe sans sport. Les rats ayant eu accès à la roue ont des concentrations d’endorphine augmentées dans le cerveau lorsqu’ils courent 8-9 km par jour. Les endorphines, de même que la morphine ou l’héroïne, stimulent le circuit de récompense dopaminergique de cerveau, se traduisant par une augmentation des sensations de plaisir.
Il a donc été démontré chez les rats actifs des niveaux significativement plus élevés de dopamine dans le cerveau que chez les rats sédentaires. Ces résultats suggèrent que chez l’homme, la dépendance à la course à pied soit intimement liée à la production de dopamine au niveau des zones cérébrales du plaisir.
Différences individuelles à la dépendance
Parmi les sportifs d’endurance, on constate des différences individuelles de susceptibilité à la dépendance. Il semble qu’un ensemble de facteurs psychologiques, environnementaux (stress répétés) et biologiques, concourent à l’émergence de la dépendance. Chez l’homme, il semblerait que ces facteurs externes soient renforcés par une prédisposition génétique dans la disponibilité à la dopamine, suggérant que certains individus seraient plus vulnérables que d’autres à la dépendance au sport d’endurance. Ainsi, un cerveau faiblement disponible en dopamine serait plus exposé à la pratique addictive.
Si les mécanismes biologiques sont bien connus, il reste néanmoins à mieux définir les facteurs de vulnérabilité individuelle et à déterminer si la dépendance à la course représente un facteur de risque à d’autres conduites addictives, ou à d’autres distorsions de l’activité sportive, le surentraînement en particulier.
Patrick Crettenand
Sources bibliographiques
L’addiction à l’exercice physique in : Conduite Dopante, Psychotropes, 2002
Peut-on devenir dépendant de la course à pied ? in : INSERM U471, Service Sport-Santé, CHU Bordeaux, 2003
Exercise Addiction in British Sport Science Students in : Int. J. of Mental Health and Addiction, A. Szabo, M.D. Griffiths, 2006
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