24H DE L’ARDÈCHE : CHALEUR INFERNALE ET MENTAL EN FUSION

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24h de l'Ardèche

Du samedi 28 juin à midi au dimanche 29 à la même heure, j’ai pris le départ des 24h de l’Ardèche, une course que j’attendais avec excitation, humilité et un objectif clair : finir. Quoi qu’il arrive. Et dans mes rêves les plus tenaces, si le corps et l’âme s’alignaient, si les éléments me laissaient un peu de répit, accrocher les 200 km — et pourquoi pas, effleurer le graal des 220 km. Mais voilà, parfois la course vous prend par la gorge, vous plaque au sol, vous regarde dans les yeux et vous dit : « Tu veux jouer au plus fort ? Eh bien, on va voir. »

UN DÉPART EN CONFIANCE

Tout commence comme souvent : une ligne de départ, un sourire, de la joie partagée avec d’autres passionné(e)s, un dossard qui bat sur le torse et l’envie de faire quelque chose de grand, pas pour briller, mais pour me confronter à moi-même.

J’ai cette chance d’avoir une préparation mentale solide, construite au fil des années, nourrie par l’expérience et affinée dans la douleur comme dans les victoires. Alors oui, j’étais prêt.

Mais ce jour-là, le soleil n’avait aucune envie de jouer les figurants.

UN CIRCUIT EN PLEIN FOUR DANS LE MORDOR

Le circuit, autour du stade Mistral ? En un mot : fournaise.

On annonçait des températures caniculaires, mais c’est autre chose de les vivre sur le bitume, à chaque tour, à chaque pas. Le bitume chauffait durant ces 24h de l’Ardèche. L’air était immobile. J’ai entendu parler de 40 à 42 degrés. Quelques centimètres d’ombre sur la boucle. À ce niveau-là, on ne parle plus d’inconfort. On parle de survie en mouvement.

Très vite, mon corps commence à montrer des signes d’alerte. Et le plus difficile à encaisser, ce n’est pas la transpiration, la fatigue ou les jambes lourdes. Non. C’est la tête qui bouillonne.

Tout à coup, je ne rêve vraiment plus de participer un jour à la Badwater !

LE COUP DE CHAUD, ET PUIS LE MUR

Après seulement trois heures de course, je prends un coup de chaud brutal. Le genre de coup de massue que tu ne vois pas venir. Un stress thermique s’installe !

Le médecin/pompier présent sur place me voit tituber. Il me parle. Il me demande de lever le pied. De ralentir avant qu’il ne soit trop tard. Je l’écoute. Pas parce que je suis docile, mais parce que je sens que là, il y a danger.

Mais dans ma tête, le message est déjà clair : tu ne t’arrêteras pas. Tu feras ce que tu peux, comme tu peux. Mais tu ne déposes pas ce dossard.

24h de l'Ardèche Stéphane Abry

UNE NUIT AVEC LA TÊTE EN ÉBULLITION

La nuit ne me soulage pas. Elle aurait dû être fraîche. Elle aurait pu me relancer. Me donner un second souffle. Mais non.
Je m’arrête 30 minutes. Je m’allonge. Je ferme les yeux. Mais la température corporelle ne redescend pas.
Je sens que mon cerveau est comme une cocotte-minute prête à exploser. Régis, soignant responsable sur le site, me parle avec bienveillance et fermeté. Il me demande de m’arrêter à nouveau au petit matin. Une pause d’une heure cette fois. Et je l’écoute, encore. Pour tenir. Pour préserver l’essentiel. Pour pouvoir repartir.

LA TÊTE COMME SEUL MOTEUR

Ce que je vis là, c’est la version extrême de l’ultramarathon. Celle où le corps refuse, mais l’esprit tient debout. J’ai marché. J’ai trottiné. Je me suis arrêté souvent. Très souvent. Pour boire. Pour respirer. Pour reprendre mes esprits.

J’ai ingurgité ce que je pouvais : de l’eau, du Coca bienvenu, du bouillon salé, des boissons isotoniques, des électrolytes, des gels coupés à l’eau…

Mais ce qui m’a nourri le plus, c’est cette phrase que je me suis répétée sans cesse :

« Chaque tour commencé doit être terminé. »

Pas de stratégie d’allure. Pas de tableau d’allure kilométrique. Juste une obstination douce, calme et féroce : faire un tour. Puis un autre. Puis encore un. Et ainsi de suite. Un tour après l’autre.

24H DE L’ARDÈCHE 120 KM AU MENTAL

Je ne vais pas mentir : je suis déçu. Mon objectif était de frôler les 200, de tenir la distance, de me rapprocher des sommets. Mais au final, je termine ces 24h de l’Ardèche avec 120 km. Oui, c’est loin. Très loin. Mais ce que je ne mesure pas uniquement en kilomètres, je le mesure en fierté. Je n’ai pas abandonné. J’ai accepté l’épreuve dans ce qu’elle avait de plus cruel. Et j’ai tenu.

J’ai tenu à l’intuition, à la volonté, au respect de ma promesse intérieure : finir cette course, quoiqu’il arrive.

Témoignage Edith P

24H DE L’ARDÈCHE DE BELLES ÂMES SUR LE CHEMIN

Heureusement, dans cette fournaise, il y avait de l’humanité à chaque coin du circuit. Je pense à Stéphane, notre speaker, qui n’a cessé de nous encourager avec chaleur et humour. À Corinne, Edith, Joëlle, Jean-Louis, Bernard, Laurent, Robin… des compagnons de galère, des sourires, des discussions, des regards complices au petit matin quand tout est flou, mais que le cœur bat encore.

Je pense aussi à ma mère, ma fille et mes ami(e)s en Suisse qui surveillaient de loin à travers internet et les messageries.

Merci à vous tous, pour votre présence, votre gentillesse, votre humour et vos gestes simples mais tellement puissants.

24h de l'Ardèche Isabelle et Stéphane

UNE DÉDICACE À CELLE QUI ÉTAIT LÀ, PARTOUT

Et puis, il y a Isa.

  • Qui m’a soutenu avant, avec la préparation, l’organisation, la logistique.
  • Qui m’a soutenu pendant, dans les moments de doute, d’errance, d’épuisement.
  • Qui m’a soutenu après, dans la récupération, dans les mots, dans les silences aussi.

Sans elle, cette course aurait été plus dure encore, plus solitaire, moins humaine. Merci Isa. Pour tout, pour Ré, pour Majorque. Et au-delà.

24H DE L’ARDÈCHE : CE QUE JE GARDE, CE QUE J’APPRENDS

Cette course ne m’a pas donné ce que j’étais venu chercher. Mais elle m’a offert autre chose.

  • Une leçon de « résilience ».
  • Une preuve que le mental est un muscle qui peut porter le corps quand celui-ci est à genoux.
  • Une confirmation que les rencontres humaines sont parfois plus précieuses que les records.

Et surtout, le rappel que je cours pour une raison plus grande que le chrono ou la distance. Je cours pour me sentir vivant, intègre, aligné. Même dans la galère. Même dans l’échec.

À VOUS QUI ME LISEZ

Si vous préparez une course, un défi, un projet de vie…

Souvenez-vous que tout ne se passera pas comme prévu. Mais si vous savez pourquoi vous le faites, alors vous trouverez comment tenir.

Parfois, il ne s’agit pas de briller. Il s’agit simplement de tenir debout, un pas après l’autre, dans un désert de feu.