Courir dans l’au-delà avec son ange gardien
Certaines courses permettent aux ultramarathoniens d’avoir une assistance personnalisée. Cela est particulièrement agréable car cette aide apporte un confort important et un soutien psychologique essentiel. L’accompagnateur est souvent à vélo (sur quelques courses en voiture). Cependant suivre et encourager un coureur n’est pas donné à tout le monde. Ou plus exactement il faut bien comprendre ce rôle qui est le jour J : essentiel !
L’accompagnateur a le rôle avant tout de « mule ». Pas très joli écrit comme ça mais c’est bien le cas. C’est d’ailleurs déjà le 1er point sur lequel tout le monde doit être d’accord. Sur son vélo (paniers, sacoches) il transporte le ravitaillement (boisson & alimentation) du coureur, mais aussi le sien. Il a suivant la longueur de l’épreuve des vêtements de rechanges ou adaptés aux prévisions météo (idem, pour 2 personnes). Sans oublier divers accessoires pour la nuit, tels que les gilets, les lampes frontales, bracelets phosphorescents… Avec Monika Locher qui m’accompagne sur mes courses nous prévoyons aussi un sac-à-dos pour moi dans le cas d’une casse sur le vélo de manière à ce que je puisse rester autonome.
Etre accompagnant c’est quoi concrètement ? C’est être au service du coureur. Il a un œil sur lui (et un sur la route…), il encaisse aussi les coups durs, les moments de moins bien de son partenaire de course, il doit gérer la patience car passer 15-20 heures voire plus sur un vélo entre 8 et 10 km/h (pire lors de marche) est un sacré défi pour le cycliste. Sa condition physique est aussi importante. Si souci de parcours il prend en charge de trouver la bonne direction.
Le coureur sur ce genre de course est comme un robot et s’appuie en général beaucoup sur son suiveur qui est en quelque sorte son ange gardien. Je l’ai vécu aussi par exemple avec Valérie Jermann qui m’a aidé durant un 80 km sur tapis de course et sur mon 1er 110 km en 2012. Valérie avait cette capacité de me donner soit un gel, soit de l’eau ou ma boisson isotonique (ou autres) avant même que je lui demande quoi que ce soit… je n’ai toujours pas compris comment elle faisait. Par intuition ?
Après validation de la stratégie de course, le système de communication entre les 2 personnes va être primordial, et c’est là que ce n’est pas à donné tout le monde. Je vous suggère vivement de prendre le temps de fixer le cadre et de vous dire les choses avant la course même si cela vous parait banal. Lors de l’épreuve, entre les coups durs, la météo, le stress, la fatigue… la communication peut tout à coup mal passée. Si avant le jour J les choses ont été dites et posées alors tout ira bien. Par exemple quand Monika m’accompagne, je ne la remercie pas à chaque fois qu’elle me tend une gourde pour que je m’hydrate. Elle sait que si je ne parle pas durant une heure qu’elle n’y est pour rien, c’est juste moi avec moi dans ma bulle. Si je hausse le ton elle reste calme, elle s’en moque car nous en avons discuté, je vis à ce moment-là un moment de colère mais qui me regarde. Et de son côté elle sait comment me parler, ce qu’il faut me dire pour m’encourager, ne pas dire pour m’éviter de la démotivation ou encore elle comprend instinctivement quand le silence est d’or.
Mes suggestions :
– Faites-le bon choix stratégique du vélo (VTT ? City bike ?) et de son équipement (paniers, sacoches). Vous devez être à l’aise (surtout dos et bras) durant plusieurs heures !
– Entraînez-vous de temps en temps ensemble pour créer de la complicité, affiner votre communication et tester votre ravitaillement.
– Roulez à côté du coureur chaque fois que c’est possible, votre corps à sa hauteur afin de parler sans faire d’effort. Si vous roulez devant le coureur risque d’augmenter sa vitesse ou avoir un effet de découragement (c’est fragile ces p’tites choses…). Derrière, le coureur aura tendance à se retourner pour savoir où vous êtes ou si tout va bien.
– Déterminez bien vos besoins en matériel, en général il vaut mieux trop que pas assez mais trop peut être un frein.
– Décidez de qui décide de quoi. Par exemple avec Monika s’il y a plantage dans une direction, c’est elle qui décide de la nouvelle route à prendre pour reprendre le bon parcours. Je lui fais confiance à 200% et à un moment donné il faut bien qu’un des 2 tranche, alors autant décider des rôles avant.
Accompagner un coureur sur de la longue distance est éprouvant physiquement et mentalement mais cela reste une superbe aventure en duo. D’ailleurs il suffit de les entendre raconter à leur façon ce qu’ils ont vécu et voir leurs yeux pétillés pour comprendre le bonheur qui les envahit.
Bonne et longue route.
Photos : Stéphane Abry & Monika Locher (UltraTour du Léman 2013) – Valérie Jermann